Orthopractie
Définition
L’Orthopractie utilise des techniques spécifiques de toucher manipulatif pour créer, à destination des centres intégrateurs du Système Nerveux Central et des voies descendantes, un flux proprioceptif amplifié en temps réel par des manipulations exécutées sur un sujet laissé en station debout naturelle à chaque fois que c’est possible.
Au lever notre homme moderne n’a d’autres soucis que d’enfiler ses pantoufles et de se mettre debout pour attaquer sa journée . Il ne s’occupe de rien, ça marche tout seul (quand tout va bien) à partir du moment où il s’est assigné une tâche (décision corticale : cerveau , régulation sous -corticale).
Mais que des conflits sensoriels nés d’un dysfonctionnement de ses capteurs sensoriels, que des défauts centraux d’intégration ou des anomalies de l’effecteur musculaire viennent se faire un plaisir de mettre (insidieusement ) ce bel ordonnancement en panne : notre Homme va perdre le contrôle du programme de gestion et s’en trouver gauchi. Son corps dans sa globalité , en subit les conséquences et sa colonne vertébrale (par le biais des petits muscles antigravitationnels spinaux) sera le plus souvent la première à en souffrir.
La question du choix ne se pose plus
L’action est segmentaire (sur une partie du corps), la rétroaction est globale (effet sur le corps entier).
Les gestes simples exigent rythme et précision, sans aucun risque, accessibles à tous et savent exprimer leur efficacité aussi bien chez le très jeune enfant que chez le senior arthrosique. Le sujet retrouve des degrés de liberté articulaire et de l’énergie élastique, le geste s'effectue sans référence à un éventuel sens manipulatif.
Bien que l’acte thérapeutique soit bref et qu'il soit le plus souvent inutile de répéter les séances, la remarquable durabilité des résultats semble témoigner d’une probable recalibration concomitante des boucles neurales de régulation du système postural.
Est-ce qu’il y a des risques ?
Les techniques sont non invasives, ce sont des manipulations, au sens neurologique et non pas structurel. La cible est la représentation mentale, physiologique ou altérée, que chaque individu a de son corps à un moment donné. L’objectif est de « mettre les mains dans le cerveau du patient » et de suggérer un changement d’état du corps et de sa relation à l’espace- temps. Du bébé au grand senior et la femme enceinte, elles sont adaptables à tous ou presque, en fonction des indications. S’intéressant aux altérations d’une fonction neurale, les pathologies fonctionnelles sont sa cible privilégiée ; les pathologies organiques ne sont pas son objet..
Comment en est-on arrivé là ?
Il ne fait aucun doute que depuis qu'il souffre de s'être redressé et d'avoir perché son cerveau, l'Homme a cherché chez son prochain, des outils pour le débarrasser de ses douleurs. Pour une simple question de facilité et de sens pratique, main et toucher thérapeutique ont sans aucun doute été la première forme de médecine, bien avant la pharmacopée. Si Dolto(cf. Le corps entre les mains) a choisi de l'illustrer en montrant de plus que les médecins égyptiens semblaient déjà savoir jouer de la puissance des post- effets gravitationnels, si dans les années 1900 des empiriques comme le célèbre "Pierrounet de Nasbinals", ou encore aujourd'hui les tibétains, les indonésiens ou autres "panseuses " du Berry utilisent à l'identique ces gestes techniques, c'est dans l'auvergne des années cinquante que l'histoire se perpétue quand une religieuse ("sœur Gérard" Chabrit), dispensant ses remèdes de "bonne renommée" à qui veut, reçoit régulièrement la visite d'un jeune pharmacien (J. Moneyron) qui accompagne ses copains footballeurs venus se faire «remettre en place » les entorses du dimanche, et en profite pour copier visuellement ces "gestes qui guérissent " avant de s'essayer à les reproduire sur les clients de la pharmacie familiale. Ça se passe derrière le comptoir de la pharmacie et c'est gratuit. Il ira jusqu'à soigner jusqu'à 120 patients par jour, soit 5' par patient, déshabillage compris.
À partir de 1967, sommé de choisir entre délivrance des médicaments et thérapie manuelle, il devient kinésithérapeute et délaisse la pharmacopée pour se consacrer à la pratique exclusive de la thérapie manuelle.
Dès 1968, il est rejoint par Jean-Luc Safin, qu'il initie à son tour à ce savoir-faire. Ils resteront associés exclusifs dans l'exercice de leur art jusqu'à sa cessation d'activité en 1989, après deux AVC. Initiation est le terme qui convient parce qu'à l'époque, la transmission du savoir se fait sans support ni discours de la méthode.
En effet, des années 50 à nos jours (1955, JB Baron ; 1979, H.M da Cunha) et en d'autres lieux,
Baron, Fukuda, Ushio, Bourdiol, Da Cunha, Gagey, Nashner, Meyer, Massion, Paillard, Lacour, Dupui,
Montoya, Da Silva .et bien d'autres ont , en parallèle, jeté les bases d'une posturologie moderne qui a
globalement pour cible un Homme qui souffre à se tenir debout (et Dieu sait que nous en côtoyons
dans nos cabinets !), soit de l'appareil musculosquelettique qui lui permet de résister au diktat de la
pesanteur, soit de la partie du système nerveux qui en organise le contrôle.
Entre une clinique posturologique qui s'échine à mettre en évidence les pannes du système de
contrôle postural et l'orthopractie qui le laisse en station debout naturelle pour mieux le soigner,
chacun a compris que le contexte neurophysiologique est le même. C'est une notion essentielle parce
que sur terre, l'Homme ne négocie pas avec le contexte gravitaire : sa physiologie lui est entièrement
soumise. Le lien à établir avec l'avancée des connaissances dans le contrôle moteur était donc
évident. Bien sûr que le progrès n'a pas que des bons côtés, mais qui choisirait aujourd'hui de se faire
transfuser du sang de mouton comme au temps de la Voisin, ou de se faire arracher les dents avec
une pince, etc.
On ne soigne pas avec la posturologie ; c'est une clinique d'investigation qui permet au professionnel
formé à son exercice, de peser le poids respectif des entrées neurosensorielles impliquées dans le
maintien postural, et la cohérence des informations distribuées. En temps normal, tout est fait pour
que l'Homme se tienne debout sans s'occuper de quoi que ce soit et en dépensant un minimum
d'énergie : quand ces conditions sont réunies, son cerveau est libéré pour l'exécution des tâches
cognitives. Quand ça n'est pas le cas et que le système de contrôle est déafférenté par des anomalies
sensorielles, il se voit dans l'obligation de recruter du cognitif pour arriver à faire le travail. Ces
défauts, qui sont encore souvent méconnus ou pour le moins sous-estimés sont les pourvoyeurs de
ce que Henrique Martins da Cunha a décrit sous le vocable de syndrome de déficience posturale.
La phase thérapeutique est ensuite dévolue aux praticiens concernés par la nature des dysfonctions
mises en évidence. Jusqu'à ce jour, elle était traditionnellement faite d'une reprogrammation d'une
durée de 1 à 2 ans, par manipulation des exoentrées sensorielles (oculaire, podale, voir occlusale .)
du système de contrôle postural par le biais d'orthèses de stimulation (prismes oculaires, semelles.).
Elle ne faisait pas à priori du kinésithérapeute un acteur princeps de la filière de soins, alors que tout
le monde reconnaît qu'il est impératif d'y "mettre les mains d'abord "tant la somesthésie est
indispensable au cerveau dans le décodage des informations neurosensorielles. C'est une prime
extraordinaire que la neurophysiologie donne au thérapeute, par l'opportunité de «manipuler » les
liens informationnels (toutes les chaînes sensorimotrices qui, de la peau à la dure-mère en passant
par les fascias et les viscères, possèdent des mécanorécepteurs,) qui lient obligatoirement
(redondance) les informations somatosensorielles à celles des autres canaux sensoriels du SNC pour
que le cerveau puisse leur donner du sens.
En validant ces pratiques empiriques, l'orthopractie introduit une conception novatrice qui propose d'utiliser des techniques spécifiques de toucher pour créer un flux haptique d'autant plus prégnant qu'il est amplifié en temps réel par le facteur gravitationnel.
L'intervention manuelle est locale, mais, bien que les différents systèmes de contrôle soient indépendants, ils n'en sont pas moins largement interconnectés, et les normalisations segmentaires s'accompagnent donc de post-effets holistiques fins, puissants, automatiques, qui n'en sont pas pour autant réflexes, puisque si les réflexes ont l'avantage d'être rapides, ils ont le suprême inconvénient d'être stéréotypés et de pouvoir s'inhiber les uns les autres. Il est obsolète de qualifier cet art thérapeutique de réflexothérapie. Par ailleurs, bien que la plupart soient étonnés de la rapidité des résultats, notamment dans la prise en charge de l'aigu, il n'est en général ni nécessaire, ni souhaitable de répéter les séances à court terme, puisque la teneur et la fiabilité des effets atteste d'un traitement du signal à haut niveau qu'il est d'ailleurs tout à fait possible de matérialiser par la lecture à J+x, des examens sur plate-forme de stabilométrie, des tests posturaux habituels, voire des scores cognitifs, en fonction des pathologies concernées.
Les techniques paraissent simples mais il ne faut pas s'y tromper, les technique exigent rythme et rigueur d'organisation. Ce qui est simple est généralement faux parce que le contrôle moteur est une activité d'autant plus extraordinairement complexe que le cerveau ne travaille pas comme un ordinateur sur de simples signaux électriques ou de la pure information, mais sur le sens qu'il peut ou veut leur donner. En langage clair, ça veut dire qu'il ne peut y avoir de traitement standard. Ça complique un peu, mais ça fait de nous des thérapeutes. Cerise sur le gâteau, l'utilisation réfléchie du facteur gravitaire en temps réel, réduit tout risque iatrogène dans les conditions normales. Du bébé au senior arthrosique ou ostéoporotique, en passant par la femme enceinte, tout le monde ou presque peut être soigné (dans la limite des indications), et ceci sans compter l'énorme intérêt qu'il y a d'utiliser ces techniques à des fins préventives.
Religieuse auprès de la cure de Grandrif, Sœur "Gérard Chabrit était reconnue comme possédant le "don de guérir" de ses mains, et elle l'a honoré gratuitement auprès d'une large population régionale jusque dans les années soixante. Jean Moneyron (1923-1994) a eu le génie de croire à la justesse de ces techniques alors même qu'il devenait Docteur en Pharmacie dans les années d'après-guerre, et d'avoir eu le courage de délaisser le confort de l'officine familiale et de la pharmacopée pour exercer cet art.